Leylek la cigogne
« Leylek », en prononçant son nom en Turc, il nous semble entendre le claquement de leur long bec … « leylek.. leylek.. leylek.. ». Les cigognes s’en sont allées. L’hiver en Turquie va bientôt s’installer. Hauts perchées dans leur grand nid, elles semblent faire le guet. Nous les avions rencontrées dans leur quartier d’été au village de Gölyazi, situé sur le lac d’Ulubat, où elles aiment faire leur nid sur les toits des maisons, des mosquées ou sur les poteaux électriques. Ce grand oiseau est fort respecté en Turquie. Dans la tradition islamique la cigogne est un oiseau bénéfique. Elle ferait chaque année le pèlerinage à La Mecque avant de revenir au printemps dans sa région située plus au nord : d’où son plumage blanc et immaculé comme l’habit rituel de l’iḥrām porté pour le ḥajj. On dit qu’elle apporte la « barakat » dans les foyers des maisons sur lesquelles elle élit domicile. Elle est fidèle en amour et s’occupe autant de sa progéniture que de ses vieux parents. Par-là, elle est devenue le symbole de la piété filiale, un des principaux préceptes de la famille musulmane.
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Le poète Lamartine retrouve le thème classique de la cigogne exemple de vertu familiale :
« [En Serbie,] nous ne voyons plus les cigognes, dont les larges nids, semblables à des berceaux de jonc, couronnent le sommet de tous les dômes des mosquées dans la Turquie d’Europe, et servent de toit aux minarets écroulés. Tous les soirs, en arrivant dans les villages ou dans les khans déserts, nous les voyions deux à deux errer autour de notre tente ou de nos masures ; les petits, élevant leurs longs cous hors du nid comme une nichée de serpents, tendent le bec à la mère qui, suspendue à demi sur ses larges ailes, leur partage la nourriture qu’elle rapporte des marais voisins ; et le père, planant immobile à une grande hauteur au-dessus du nid, semble jouir de ce touchant spectacle. Ces beaux oiseaux ne sont nullement sauvages : ils sont les gardiens du toit comme les chiens sont les gardiens du foyer ; ils vivent en paix avec les nuées de tourterelles qui blanchissent partout le dôme des khans et des mosquées, et n’effarouchent pas les hirondelles. Les Turcs vivent en paix eux-mêmes avec toute la création animée et inanimée : arbres, oiseaux (…) »
« [En Serbie,] nous ne voyons plus les cigognes, dont les larges nids, semblables à des berceaux de jonc, couronnent le sommet de tous les dômes des mosquées dans la Turquie d’Europe, et servent de toit aux minarets écroulés. Tous les soirs, en arrivant dans les villages ou dans les khans déserts, nous les voyions deux à deux errer autour de notre tente ou de nos masures ; les petits, élevant leurs longs cous hors du nid comme une nichée de serpents, tendent le bec à la mère qui, suspendue à demi sur ses larges ailes, leur partage la nourriture qu’elle rapporte des marais voisins ; et le père, planant immobile à une grande hauteur au-dessus du nid, semble jouir de ce touchant spectacle. Ces beaux oiseaux ne sont nullement sauvages : ils sont les gardiens du toit comme les chiens sont les gardiens du foyer ; ils vivent en paix avec les nuées de tourterelles qui blanchissent partout le dôme des khans et des mosquées, et n’effarouchent pas les hirondelles. Les Turcs vivent en paix eux-mêmes avec toute la création animée et inanimée : arbres, oiseaux (…) »
En ce jour de novembre, les cigognes sont reparties vers les terres africaines mais en levant les yeux, au détour d’une rue, j’ai rencontré ce couple, confortablement installé sur le toit d’une ancienne tekke, fasciné par la danse incessante du derviche tourneur. Quelle étrange girouette s’étonne l’une d’entre elle, se peut-il que le vent fasse aussi tournoyer les hommes entre le ciel et la terre ?
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